Dans le 1er article de notre dossier sur les défis des infrastructures de recharge, nous avons décrit la problématique d’un coût d’installation croissant à chaque nouveau point de charge. Mais les sujets des coûts, et de l’appel de la puissance nécessaire à l’infrastructure, sont à mettre en regard du taux d’utilisation de celle-ci, et donc du nombre de kWh à délivrer réellement.

L’ONG Transport et Environnement prévoit un taux d’utilisation des bornes à recharge normale (AC) de 2h par jour en 2030, soit moins de 10% du temps. Entre une installation représentant plus de 75% des coûts du projet, et une utilisation de moins 10% du temps, on peut rapidement en conclure qu’une infrastructure surdimensionnée et sous-utilisée est très difficilement rentable.

Par conséquent, le 2e défi des infrastructures de recharge est celui d’un taux d’utilisation des points de charge souvent trop faible.

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Pourquoi les bornes de recharge sont-elles sous-utilisées ?

Le taux d’utilisation des bornes de recharge, c’est-à-dire, le rapport entre le temps passé à recharger des véhicules électriques et la durée totale du service, peut être impacté négativement pour plusieurs raisons :

  1. Manque de demande sur le secteur géographique : des facteurs comme un petit nombre de véhicules électriques circulant dans la zone d’attractivité, une fréquentation réduite du site, ou un temps de stationnement moyen limité conduiront immanquablement à une faible demande pour le service de recharge. Par conséquent, peu d’utilisateurs viendront se connecter aux points de charge installés.
  2. L’arbitrage recharge publique vs recharge à domicile : selon une étude Enedis / BVA de 2021, 89% des utilisateurs de véhicules électriques effectuent leur recharge principale à domicile. Cette proportion aura néanmoins tendance à se réduire au fil du temps et de la généralisation du véhicule électrique dans le parc roulant. En effet, les premiers électromobilistes, ceux de l’étude, sont les électromobilistes de la première heure, ou « early adopters », qui ont été en mesure d’équiper leur domicile avec un dispositif privé de recharge. Tous les futurs usagers de véhicules électriques ne pourront pas nécessairement en disposer.
    Hors du domicile, la recharge s’effectue sur le trajet ou à destination. La recharge sur le trajet (et notamment sur autoroute) nécessitera des bornes ultra-rapides. La recharge à destination correspond à une recharge réalisée là où les électromobilistes se rendent pour travailler, faire les courses, se divertir, voyager, visiter, …
    Enfin, le coût de la recharge sur bornes publiques, s’il est trop élevé ou si son application manque de clarté, peut aussi influencer le taux d’utilisation de la borne, en décourageant les conducteurs à l’utiliser.
  3. Problème de visibilité ou d’emplacement : une borne de recharge difficile à trouver, ou implantée à un endroit peu pratique pour l’utilisateur, sera peu utilisée. En effet, dans le cadre d’une recharge à destination, l’électromobiliste cherche à réaliser un complément de charge, ou “biberonnage”. Son besoin est d’impacter le moins possible la raison de sa venue. La recharge doit donc être facilement accessible et pratique à utiliser pour ne pas ralentir la “mission” qu’il est venu accomplir.
  4. Indisponibilité technique de l’infrastructure : une borne de recharge peut souffrir de problème de fonctionnement, être en maintenance, voire être désactivée. Outre l’indisponibilité du point de charge à l’instant « T », la régularité des pannes peut décourager, sur le long terme, les conducteurs de véhicules électriques à l’utiliser, et ainsi impacter durablement son taux d’utilisation.
  5. Indisponibilité opérationnelle de l’infrastructure : la monopolisation des places, le principal écueil de la borne de recharge publique.
    Péjorativement appelé “voitures ventouses”, il s’agit des véhicules électriques ou hybrides rechargeables qui restent stationnés et connectés à la borne alors que leur recharge est terminée, qui ont une grande quantité d’énergie à récupérer ou dont la vitesse de charge acceptée est lente (ce qui est généralement le cas des véhicules hybrides rechargeables). Quoi qu’il en soit, cette monopolisation conduit à ne pas fournir le service, alors même qu’il y aurait une demande de recharge, ce qui fait plonger son taux d’utilisation.
    Ce phénomène n’est cependant pas nécessairement lié au comportement de l’utilisateur. Il peut être une conséquence des choix techniques faits lors de l’implémentation de l’infrastructure. En effet, si la puissance est partagée sur l’ensemble des points de charge, la vitesse de charge va considérablement se réduire dès lors que plusieurs véhicules se chargeront en même temps.
    Finalement, le taux d’utilisation de l’infrastructure de recharge va dépendre en grande partie du besoin en stationnement. Un besoin qui peut aller de quelques heures à plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon les cas d’usage.

Un taux d’utilisation des bornes qui diffère selon l’usage du stationnement

Les taux d’utilisation des bornes sont variables en fonction de la durée du stationnement réalisé sur le site de recharge. Voici quelques exemples illustrant les différents niveaux de monopolisation, conduisant à un taux d’utilisation toujours plus faible.

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Taux d’utilisation et kWh délivrés par mois par niveau de monopolisation

Niveau 1 – Stationnement d’une demi-journée à une journée

Dans l’exemple de l’immobilier tertiaire, de parkings d’entreprises, de parking relais ou autres parkings publics moyenne durée, la première voiture arrive le matin (8h – 10h), reste stationné 4 à 10h. Si le véhicule part en cours de journée, un deuxième véhicule peut prendre sa place dans le cadre d’une rotation “naturelle”. Ces véhicules ayant un besoin moyen de 10 kWh, ils terminent leur recharge en moins de 2h avec un point de charge de 7,4 kW.

Dans ce scenario, chaque point de charge délivrera entre 10 kWh par jour, voire 20 kWh s’il y a une rotation naturelle au cours de la journée. Le taux d’utilisation de la borne est alors de 10% à 20%, sur une période de 12h, et s’avère être encore inférieur si les points de charges sont de 11 ou 22 kW.

Niveau 2 – Stationnement d’un jour à une semaine

Dans l’exemple du parking d’un hôtel, d’un parc de loisirs, d’une concession automobile ou d’un loueur de voitures, le stationnement va durer d’un jour à une semaine. Si aucune rotation forcée, avec une intervention humaine, n’est mise en place, les véhicules monopoliseront le point de charge durant toute la durée de stationnement alors que ces véhicules ont un besoin moyen de 15 kWh à 20 kWh.

Dans ce scenario d’un stationnement d’un jour à une semaine, chaque point de charge ne délivrera alors que 15 à 20 kWh par jour, voire par semaine. Le taux d’utilisation de la borne 7,4 kW est alors réduit à une fourchette de 1% à 5%, sur une période de 12h par jour, sans rotation forcée, par ailleurs complexe ou coûteuse à mettre en place.

Niveau 3 – Stationnement d’une semaine à un mois

Dans l’exemple du parking d’un aéroport, la voiture reste stationnée durant toute la durée de voyage et, sans intervention humaine, elle va monopoliser le point de charge. Pour une recharge moyenne de 15 à 20 kWh par séjour, le taux d’utilisation de la borne est de moins de 1%.

Niveau 4 – le cas extrême des logisticiens avec des stationnements de plus d’un mois

Dans ce cas très spécifiques des logisticiens automobiles, les voitures restent stationnées sur des parcs de stockage jusqu’à ce que les concessionnaires aient besoin de la réacheminer vers leurs concessions. Ce stockage peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et entraine une autre problématique : celle de la décharge. Ces cas de stockage longue durée sont généralement assortis d’obligations de maintenance préventive : les logisticiens doivent régulièrement recharger les véhicules de sorte que l’état de charge (SOC) ne descendent pas trop bas. La plupart du temps, ils doivent également recharger le véhicule avant son départ vers le concessionnaire.

Dans ce scenario, entre 10 et 20 kWh seront délivrés à chaque véhicule sur toute la durée de leur stockage, conduisant à un taux d’utilisation ridiculement faible. Il n’est cependant pas envisageable de mettre une borne pour chaque véhicule. Une rotation forcée des véhicules est donc nécessaire, conduisant à d’autres considérations de coûts, de problématiques opérationnelles, d’organisation, de sécurité et de risques d’avaries.

Quelles sont les conséquences de la monopolisation des bornes et de leur faible taux d’utilisation ?

  1. Pour les électromobilistes, la monopolisation des bornes par des véhicules qui ont terminé leur charge, ou dont la recharge dure trop longtemps, rend inaccessible le service dont ils ont besoin et qu’ils sont venus chercher.
    C’est une situation particulièrement problématique quand l’état de charge de leur batterie est quasiment nul, et qu’il n’y a pas d’autres points de charge disponible. La monopolisation des bornes de recharge peut même devenir source de conflits entre utilisateurs, et notamment entre conducteur de véhicules hybrides rechargeables et électromobiliste “pur jus”. Les hybrides n’ayant pas un besoin vital de se recharger, une borne monopolisée par un tel véhicule aura toutes les chances de faire monter “dans les tours” un conducteur de VE.
    Cette mauvaise expérience de la recharge entache aussi l’expérience client, ce que des gérants de centres commerciaux, de loisirs, de destinations touristiques chercheront absolument à éviter.
    Enfin, la disponibilité des infrastructures de recharge étant l’un des principaux freins à l’adoption de la voiture électrique, il est nécessaire de trouver des solutions à la monopolisation des places.
  2. Pour l’exploitant de la borne, sa monopolisation et sa sous-utilisation peut aussi avoir de fâcheuses conséquences.
    Pour installer son infrastructure de recharge, il aura tout d’abord dû modifier son réseau électrique pour s’assurer d’une puissance disponible pour l’ensemble de ses bornes. Un appel de puissance qui se révèle finalement être inutile la très grande majorité du temps.
    Nous avons vu dans le premier article de notre dossier que l’installation de points de charge nécessitent le plus souvent des travaux de VRD lourds et coûteux. Le service de recharge sera alors très difficile à rentabiliser s’il est sous-utilisé.
    Enfin, l’indisponibilité des bornes, et l’agacement des utilisateurs, contribuera à détériorer l’image de marque de l’exploitant, ce qui est particulièrement problématique pour les établissements recevant du public, comme les commerces, les loisirs ou dans l’hôtellerie et la restauration.

Les solutions pour remédier au problème du taux d’utilisation des bornes.

Plusieurs mesures peuvent être prises pour réduire la monopolisation, et ainsi augmenter le taux d’utilisation d’une borne.

Le gestionnaire de l’infrastructure peut ainsi décider de mesures financières, en appliquant des pénalités lorsque l’utilisateur monopolise une borne, ou en adoptant une tarification au temps passé.

Dans le cadre de la recharge en entreprise, une rotation forcée peut être décidée. Son principe est de contraindre les utilisateurs à redescendre au parking entre deux réunions, lorsque la recharge est terminée, afin de libérer le point de charge. Mais elle peut être complexe à faire respecter, car très peu pratique dans les faits, sans compter le temps d’activité perdu par les salariés pour réaliser cette opération.

L’utilisation de techniques de smart charging, ou recharge intelligente, peut également aider à résoudre le problème et à optimiser le taux d’utilisation de l’infrastructure. Quand la puissance appelée est partagée entre plusieurs bornes, l’intérêt de l’opérateur est de connaître le besoin en puissance de chaque véhicule et le temps estimé de stationnement. À partir de ces informations, un ordonnancement peut être réalisé pour fournir une vitesse de recharge plus importante aux véhicules partant en premier. Cela permet de satisfaire l’usager sans pénaliser financièrement ceux qui doivent rester stationnés plusieurs heures. C’est d’ailleurs l’une des techniques que nous mettons en œuvre dans notre cube de puissance.

Enfin, en rendant l’énergie mobile, l’infrastructure de recharge vient au véhicule électrique, plutôt que l’inverse. Plus aucune place n’est alors monopolisée. Au contraire, elles sont toutes électrifiées. Les robots chargeurs répondent à cette idée en allant recharger les véhicules là où ils sont garés. C’est la raison d’être de Charles, notre robot chargeur autonome.

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